mercredi 14 septembre 2011

Les Bien-Aimés : Honoré au sommet.



Parlons un peu cinéma ça faisait longtemps dans ces colonnes virtuelles. Présenté à Cannes hors compétition, Les Bien Aimés avait déjà reçu un accueil assez dithyrambique de la critique. Et on va suivre cette voie.
N'ayons pas peur des mots, honoré réalise ici sont meilleur film. Le plus poignant, le plus inspiré, le plus fort. Porté par une Chiara Mastroiani aussi belle que juste, le film prend pied dans quatre décennies (des sixties à 2001) et une ville de plus (Paris, Prague, Londres, Montréal et Reims). De ce cadre spatio-temporel pris de bougeotte sort une histoire, ou plutôt des histoires, d'amours pris dans les étaux implacables de leurs époques, leurs acteurs et leurs contradictions. On suivra d'abord Madeleine, incarnée par l'insolente fraicheur de Ludivine Sagner, qui se prostitue gentiment et tombe amoureuse d'un beau médecin venu de Prague. Celui-ci la mettra enceinte et l’emmènera jusqu'à sa ville d'origine qui vît son printemps historique. S'en suit une image d'une Madeleine prise au piège d'un "Je t'aime moi non plus" aussi sensuel que léger. On suivra alors Véra, la fille de Madeleine, de Londres à Paris, de Paris à Londres, de Paris à Montréal. Celle-ci elle aussi aux prises avec ses sentiments amoureux. Entre un anglais qui ne l'aime pas mais qu'elle aime à la déraison et Clément amoureux d'elle mais qu'elle ne semble pas pouvoir/ vouloir aimer.

Le topo semble finalement peu original. Des triangles amoureux et des romances indécises. Rien de bien nouveau. Seulement Honoré se dépasse dans sa vision des amours désabusés. D'abord par ses acteurs qu'il pousse plus loin que jamais. Louis Garrel, qu'on ne voit qu'assez peu finalement, est crucial dans cet enchevêtrement d'histoires. Plus nuancé qu'auparavant, moins théâtral, le chouchou de ces dames se montre extrêmement juste. Le duo Deneuve / Delpêche fonctionne à merveille. Sagnier est fidèle à elle-même. Mais c'est bien Mastroiani qui ébloui de sa première à sa dernière apparition. Sculpturale dans sa première scène où elle danse (Oui ma fille) dans un club londonien. Touchante dans sa relation mère fille. Et terrassant son monde dans l'acte final. Elle signe ici sa meilleure partition.



Pourtant, ce casting parfait n'est pas épargné par la caméra. La réalisation, si elle est tapissé de plans magnifique, est avant tout brutale dans son immobilité. Le cadre se porte toujours au plus près du personnage laissant le contexte à son rôle d'arrière-plan. De la même façon que l'histoire se focalise toujours sur l'intime, ne se servant de ses contextes historiques (Printemps de Prague, Sida, 9/11...) que comme paysage pour sa tragédie. A l'inverse, les chansons de l'habituel Alex Beaupain magnifié par Frédéric Lo, ne se portent ni au premier ni au dernier plan de ce film choral. Chacune d'entre elles n'est rien d'autre que l’expression renforcée du sentiment tacite qui ne peut sortir autrement. Comme toujours, les textes sont aussi frappants que la musique enchante cette tragédie.



Car oui, il s'agit bien d'une tragédie qui se joue ici. Avec une légèreté de tous les instants, les enjeux sont pourtant déprimés. Il s'agit ici d'une valse morbide dans les méandres du sentiment amoureux. Nul n'en ressort indemne, même si ils se raccrochent tous plus ou moins à la vie. Souvent par le sexe, utilisé ici comme une sorte d'exutoire anti-sentimental qui trouve son apogée dans le magnifique threesome de fin.

Les Bien Aimés est un grand film. Le meilleur d'Honoré. Un contrepoids tragique à l'espoir lumineux porté par Les Chansons d'Amour. D'aucun le trouverons trop long, c'est cependant dans sa longueur que le film puise sa force. Cette façon d'étirer les choses, comme le scénario s'étire dans le temps, permet au spectateur de s'immiscer dans cette Carte du Tendre qui fait oublier ses moments d'inconstance par des fulgurance lumineuse qui vous laisseront forcement sans le mot, mais peut être avec les larmes.